Quand la matière devient récit : l’essor des matériaux biosourcés

La construction durable ne s’arrête pas à la simple réduction de la consommation d’énergie. Le choix des matériaux y joue un rôle fondamental – à la fois pour limiter l’impact environnemental du bâti, valoriser des ressources locales, stimuler des filières vertueuses et garantir un cadre de vie sain. Dans cette optique, les matériaux biosourcés deviennent les héros discrets du quartier.

  • Bilan carbone réduit : Selon l’Ademe, le secteur du bâtiment est responsable en France de 23% des émissions de gaz à effet de serre. Or, le bois, la paille, la laine de chanvre ou encore la ouate de cellulose stockent naturellement du carbone (le bois en particulier : 1 m³ de bois = 1 tonne de CO stockée).
  • Santé et confort : Les matériaux biosourcés contribuent à une meilleure qualité de l’air intérieur, ne diffusent pas de composés organiques volatils issus de la pétrochimie et participent à l’hygro-régulation des pièces (source : Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur).
  • Dynamisation des filières locales : Utiliser de la paille locale, du bois jurassien, c’est créer une boucle économique régionale et tisser des liens directs entre bâtisseurs et producteurs (source : Interprofession Fibois Bourgogne-Franche-Comté).

Cette approche rencontre des limites, liées à la disponibilité, au coût parfois supérieur, voire à la nécessité de former les artisans – mais elle instille une précieuse dynamique d’innovation et de circularité sur le territoire.

Le bois : plus qu’un matériau, un état d’esprit

Aux Vaites, la silhouette chaleureuse des bâtiments en bois tranche avec les imagiers modernes du béton. Mais le bois n’a pas seulement été choisi pour ses qualités esthétiques.

  • Rapidité et propreté des chantiers : Les filières sèches (ossatures, modules préfabriqués) limitent grandement les nuisances, les déchets de chantier, et permettent de mieux anticiper la performance énergétique du bâtiment (Syndicat Français de la Construction Bois).
  • Excellente isolation naturelle : Le bois est six fois plus isolant que la brique et quinze fois plus que le béton (CSTB).
  • Inertie variable : En fonction de l’assemblage – massif, lamellé-collé, caissons remplis, etc. – le bois peut stocker et libérer la chaleur différemment, permettant de nuancer le confort thermique saisonnier, surtout lorsqu’il est associé à d’autres matériaux (terre cuite, laine, etc.).
  • Réemploi : Le bois se prête aussi à la réutilisation : planchers, parements extérieurs, charpentes peuvent être récupérés, transformés, réintégrés dans de nouveaux usages.

Gérer la lumière et l’énergie : principes clefs de la conception bioclimatique

À l’heure des passoires thermiques, le concept d’architecture bioclimatique opère un retour en force. Mais dans une logique de quartier, il suppose de repenser simultanément chaque adresse et son inscription dans l’ensemble.

  • Analyse du site : Aux Vaites, l’implantation des logements tient compte des courbes de niveaux, de la végétation déjà présente, de l’exposition au soleil et des circulations d’air dominantes (source : Ville de Besançon / Dossier de présentation de l’écoquartier).
  • Orientation : Les grandes baies vitrées sont presque systématiquement orientées Sud/Sud-Ouest pour capter un maximum de lumière l’hiver, tandis qu’au Nord, des ouvertures plus étroites limitent les pertes de chaleur.
  • Protection solaire : Brise-soleil, casquettes végétalisées, volets roulants permettent d’éviter la surchauffe estivale, tout en laissant la lumière et la chaleur entrer pendant les saisons froides.

La conception bioclimatique se joue dans ces équilibres subtils, à la croisée de la technique et de la perception du lieu.

Terre crue en ville : retour au sol, geste d’avenir

Bien loin d’être un simple « matériau du passé », la terre crue fait une percée remarquée dans certaines constructions récentes de l’écoquartier – murs intérieurs, cloisons, finitions douces. Son retour mérite un détour.

  • Ultra-local : La terre crue peut provenir des excédents du terrassement du site, évitant ainsi de transporter des matériaux sur de longues distances (source : Cycle Terre, projet urbain en Île-de-France).
  • Excellentes capacités de régulation hygrométrique : Elle stabilise naturellement le taux d’humidité des appartements, limitant les besoins de ventilation mécanique.
  • Empreinte environnementale réduite : Non cuite, la terre crue requiert 20 à 30 fois moins d’énergie grise que la terre cuite (INSA Lyon).
  • Esthétique et réparabilité : Contrairement à une cloison plâtrée, la terre permet des réparations faciles et un entretien quasi-infini.

Regards croisés sur l’impact carbone : matériaux traditionnels versus écologiques

Matériau Énergie grise (kWh/m) CO émis (kg/m)
Béton (CEM I) 900 300
Brique terre cuite 1 100 250
Bois massif 60 -900*
Paille (balle) 15 -170*
Terre crue 10 ~0

Sources : Ademe, INIES, CEREMA. Les chiffres sont des ordres de grandeur pour des matériaux utilisés sans traitements lourds. Le bois, stockant du CO, affiche un « bilan négatif » en émissions.

La différence est sans appel. À elle seule, une maison à ossature bois/paille émet huit à dix fois moins de CO qu’une construction équivalente en béton-brique, tout en stockant du carbone pour sa durée de vie.

Isoler sans trahir l’esprit du lieu : choisir les bons alliés naturels

L’isolation écologique ne se limite pas à une histoire d’épaisseur. Le choix des matériaux compte tout autant que la façon de les mettre en œuvre.

  • Laine de bois, de chanvre, de lin – D’excellentes performances en été (inertie thermique) et en hiver (protection contre les déperditions).
  • Pare-pluie / Pare-vapeur naturels – Membranes respirantes à base de fibres naturelles, pour éviter les murs « étouffants ».
  • Paille compressée – Un isolant performant, aussi efficace que la laine de verre en hiver, mais qui offre de bien meilleures performances pour lisser les pics de chaleur.

Certains choix sont dictés par la réglementation, d’autres par la volonté de soutenir une production agricole régionale ou d’éviter le transport sur longue distance.

Lumière, chaleur et orientation : arts discrets du confort thermique

Peu spectaculaire peut-être, l’art d’orienter une façade, de disposer une haie, de placer un banc à l’ombre d'un arbre, n’a pourtant rien d’anodin.

  • Habitat passif : Un logement bioclimatique bien orienté reçoit jusqu’à 60% de ses apports de chauffage gratuitement par le soleil (source : PassivHaus Institut).
  • Végétation maîtrisée : Aux Vaites, la plantation d’arbres caducs au sud permet d’ouvrir à la chaleur l’hiver et d’ombrager naturellement l’été.
  • Zonage thermique : Créer des zones tampons au nord (escaliers, containers à vélo, espaces communs...) permet de couper le vent et de limiter les pertes.

Ventiler naturellement : la stratégie de l’ouverture

À l’heure où la ventilation mécanique permanente est partout, les écoquartiers osent remettre en jeu les logiques naturelles.

  • Effet cheminée : Fenêtres basses et ouvertures hautes favorisent une circulation d’air spontanée, notamment efficace les nuits d’été.
  • Ventilation croisée : Deux ouvertures sur des façades opposées créent un courant d’air rafraîchissant; certains logements des Vaites adoptent systématiquement ce principe.
  • Des protections contre la pollution : L’intégration de végétation dense et de filtres naturels (bacs à graviers, haies) permet de profiter d’une ventilation naturelle sans faire entrer trop de particules fines.

Cela permet d’éviter l'installation systématique de VMC mécaniques gourmandes en énergie, tout en améliorant la santé des habitants.

Les ponts thermiques, une vigilance de chaque instant

Même le plus beau des matériaux perd son efficacité si les jonctions sont négligées. Dans l’écoquartier, la chasse aux ponts thermiques est systématique :

  • Décrochements d’isolant entre le sol et les murs évités grâce à des rupteurs spécifiques (mousse haute densité, liège, etc.),
  • Cadres de fenêtres avec rupture de pont thermique intégrée,
  • Parements extérieurs continus, sans interruption de matière isolante,
  • Intégration des gaines électriques sans couper les bandes isolantes.

Cette vigilance permet d’atteindre, dans certains bâtiments, des niveaux de performance thermique deux à trois fois supérieurs à la réglementation en vigueur (source : CEREMA).

Des principes simples pour choisir des matériaux locaux et durables

Entre utopie et pragmatisme, le choix des ressources locales suit quelques lignes directrices :

  1. Disponibilité : Priorité au bois du Jura, à la paille et au chanvre produits dans un rayon de moins de 100 km, afin de limiter le transport et soutenir les circuits courts (Fibois, Interchanvre).
  2. Cycle de vie : Matériaux « à boucle fermée » (qui se recyclent ou se compostent aisément) avant tout.
  3. Certification et transparence : Le recours à l’écolabellisation (natureplus, PEFC pour le bois, etc.) garantit que la filière respecte l’environnement comme les travailleurs.
  4. Artisanat et formation : Privilégier ce qui fait vivre des savoir-faire locaux, quitte à miser sur l’innovation accompagnée.

L’avenir ancré dans la terre : inspirations des Vaites

L’architecture écologique n’est pas qu’une affaire de performances ou de bilans carbone. C’est aussi un geste d’ancrage dans un territoire, la reconnaissance d’une histoire locale et le pari d’une modernité douce. Aux Vaites, ces principes dessinent une mosaïque d’expériences, d’essais, souvent discrets mais porteurs d’une autre vision urbaine. Si chaque mètre carré racontait déjà une histoire, il s’enrichit aujourd’hui d’une dimension supplémentaire : celle du climat, du sol, de la lumière et du vivant.

Sources principales : - ADEME - CEREMA - Interprofession FIBOIS Bourgogne-Franche-Comté - Observatoire de la Qualité de l’Air Intérieur (oqai.fr) - PassivHaus Institut - CSTB - Ville de Besançon, présentation publique écoquartier des Vaites

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