Au commencement : des ateliers pour ouvrir le dialogue

Les premières expérimentations d’aménagement participatif aux Vaites datent du début des années 2010, avec des ateliers citoyens autour du plan-guide du quartier. Ce temps fondateur a posé des jalons essentiels, en ouvrant la porte à une vision co-construite de l’évolution du site. Les habitants, qu’ils soient nouveaux arrivants ou figures locales, étaient invités à venir réfléchir à divers enjeux : maintien des paysages bocagers, mobilité douce, espaces partagés.

Ce format — l’atelier participatif — reste aujourd’hui l’un des piliers. Animé la plupart du temps par des urbanistes ou des médiateurs, il privilégie l’échange horizontal : pas de longs discours d’experts, mais des échanges autour de cartes, de photographies, ou parfois d’arpentage sur le terrain. Cet ancrage local permet de révéler des savoirs précieux. Lors de l’atelier « Des chemins pour tous » de 2019 (source : Ville de Besançon), plus de 80 itinéraires piétons historiques, connus des riverains mais absents des documents officiels, ont été remontés puis intégrés au futur plan de circulation douce.

La concertation : un chemin semé de discussions… et de divergences

Concertation, consultation : des mots très utilisés, parfois galvaudés, mais qui recouvrent ici une réalité complexe. Aux Vaites comme ailleurs, la participation ne va pas toujours de soi et se nourrit de débats, de crispations parfois, mais aussi de trouvailles inattendues.

  • Réunions publiques : organisées régulièrement par la mairie ou par Grand Besançon Métropole, ces rendez-vous permettent de recueillir l’avis large. L’enjeu est souvent de démêler les attentes très diverses — et pas toujours compatibles — d’un quartier morcelé entre logements collectifs anciens, habitats pavillonnaires, et désormais nouveaux écoquartiers.
  • Forums thématiques : à plusieurs reprises, des forums ouverts ont été mis en place sur des sujets pointus, comme la biodiversité ou l’énergie renouvelable (source : Besançon-Mag). Ces moments thématiques permettent d’aller avec précision sur des sujets techniques, tout en gardant la possibilité pour le public de s’informer, questionner, ou contribuer.

Mais la concertation n’avance pas en ligne droite : plusieurs projets (pistes cyclables, implantation de logements sociaux, préservation des haies) ont fait l’objet de débats très vifs, nécessitant parfois l’intervention de médiateurs professionnels. Le climat de discussion y gagne souvent en maturité : le temps long du dialogue, s’il ralentit, permet aussi d’éviter des choix hâtifs ou déconnectés du réel.

Les chantiers ouverts : partager la construction, pas seulement les décisions

L’innovation locale, ces dernières années, repose aussi sur une forme d’implication plus physique : celle du chantier partagé. Dès 2017, au Jardin partagé des Vaites, des sessions de “chantiers participatifs” sont organisées lors de l’aménagement de bacs de culture, de la création de haies fruitières, ou encore de la fabrication de mobilier urbain (source : France 3 Bourgogne-Franche-Comté).

  • Mobilisation intergénérationnelle : Des enfants de l’école élémentaire voisine, des retraité·es, mais aussi des néo-habitants, participent côte-à-côte : la transmission de savoirs (greffage, compostage) s’y fait naturellement.
  • Matériaux récupérés : Plusieurs réalisations en bois — bancs, tables de pique-nique, abris à insectes — sont issus de filières de réemploi portées par les associations bisontines.

L’approche “chantiers ouverts” permet d’ancrer l’écologie dans des gestes simples, répliqués à petite échelle, mais reproductibles ailleurs. Plus qu’un symbole, ces réalisations donnent à voir le potentiel créatif d’une communauté, créant du lien humain… et du concret dans la transformation du paysage.

Les enquêtes terrain et marches exploratoires : prendre le temps d’observer

Parfois, ce sont les habitants eux-mêmes qui initient la réflexion sur leur environnement, à travers des marches exploratoires ou des enquêtes in situ. L’association Vaites Environnement, particulièrement active depuis la décennie 2010, propose régulièrement des balades urbaines thématiques : des circuits “oiseaux et insectes”, des repérages de zones humides, ou encore des inventaires de haies bocagères.

  • Découvrir les micro-patrimoines : En 2022, un inventaire collectif de mare et de bosquets a recensé pas moins de 37 niches écologiques d’intérêt sur le périmètre du quartier, arguments précieux au moment de négocier les contours d’un aménagement ou de préserver certains espaces (Source : L’Est Républicain).
  • Débattre sur le terrain : Les balades permettent d’accueillir aussi bien les experts naturalistes que les riverains, dans un échange “pieds sur terre”, souvent plus sain que derrière un PowerPoint.

Les marches exploratoires ne sont pas exclusives aux Vaites, mais ici, elles sont régulièrement documentées et relayées par des collectifs locaux, ce qui leur confère une visibilité et une influence notables dans les arbitrages municipaux.

L'enquête publique et la prise en compte des contributions écrites

L’étape de l’enquête publique marque souvent une forme de culminance du processus participatif formel. Aux Vaites, lors de la déclaration d’utilité publique du projet d’écoquartier (2018), plus de 640 contributions individuelles et collectives ont été déposées à la commission d’enquête (source : Préfecture du Doubs). Les sujets les plus cités ? La préservation des vergers et des zones humides, la densification urbaine, la perméabilité des sols.

  • Poids réel sur la décision : Si toutes les remarques n’infléchissent pas la direction du projet, certaines ont pourtant abouti à des modifications du plan d’aménagement initial : déplacement d’un axe routier, limitation de la constructibilité de certains îlots, intégration de nouveaux corridors de biodiversité.

Les enquêtes publiques ont ainsi permis, selon les mots du commissaire enquêteur, « d’enrichir le projet d’apports locaux et argumentés, souvent plus pertinents que certains diagnostics techniques ».

Retours d’expérience et capitalisation collective

L’un des défis majeurs reste la question de la mémoire collective. Aux Vaites, plusieurs outils de capitalisation de l’expérience participative ont vu le jour : carnets de route partagés, expositions photos, et surtout, publication de bilans publics sur le site Internet de la Ville et de collectifs citoyens.

  • Bilan chiffré : Entre 2017 et 2022, les ateliers et réunions participatives autour des Vaites ont mobilisé entre 150 et 400 participants par an, avec une forte prédominance de riverains, mais l’émergence d’un public jeune en croissance (données Ville de Besançon, rapport “Quartiers en transition”).

Un autre outil, plus avancé, est le recours ponctuel à des dispositifs numériques : cartographies interactives, questionnaires en ligne, espace dédié aux suggestions citoyennes — ces technologies, bien que moins utilisées par les populations âgées, permettent de diversifier et d’élargir le public touché.

L’innovation à petite échelle : nouveaux formats et hybridations

Plus récemment, de nouveaux formats de participation émergent : ateliers de “fresques du sol”, concours de micro-inventaires, ou encore associations d’art et d’urbanisme qui invitent à voir le quartier autrement (installation participative “Regards sur les Haies” en 2023, organisée avec des artistes locaux, source : MaCommune.info).

  • Hybridation des formes : Le mélange entre ateliers artistiques, diagnostics naturalistes et débats sur l’habitat crée des points de rencontre inattendus, où chacun trouve sa place. Ce type d’événement soutient l’émergence d’une culture locale de la négociation, de la transmission, et du dialogue créatif.

Ce vent d’innovation, couplé à la persistance du dialogue citoyen dans la durée, dessine une pratique de l’aménagement participatif qui n’est ni figée, ni limitée à quelques moments clés. Elle s’invente tous les jours, à plusieurs et sur plusieurs niveaux — du terrain aux institutions.

Pour poursuivre la conversation…

Aux Vaites, l’aménagement participatif reste un chantier vivant, fait de tâtonnements, mais aussi de moments lumineux. Ce qui frappe surtout, c’est la capacité d’un quartier à s’écouter, à se confronter, mais aussi à apprendre collectivement, pour réinventer, en douceur et avec inventivité, la façon d’habiter le monde. Pour aller plus loin, plusieurs ressources existent : le site de la Ville de Besançon, les publications annuelles de l’association Vaites Environnement et les plateformes locales de concertation. L’aventure collective se poursuit… peut-être demain, lors du prochain atelier ou d’une balade urbaine, sur un sentier déjà tracé ou totalement inattendu.

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